Eliphen Jean : Un Ecrivain Du Silence
En 2016, il publie «Transes » dans la collection L’Immortel aux Editions JEBCA avec lequel il fit une entrée retentissante sur la scène de la poésie haïtienne. À travers ce premier livre, on dit de lui un poète tourmenté par sa propre misère et celle de son pays mais sans pour autant se laisser emporter par une sorte d’engagement aveugle. Une année plus tard, ce même livre lui a valu sa première résidence d’écrivain. Il fut accueilli bruyamment, durant deux mois en Bretagne, par l’Association Rhizomes à Douarnenez. De retour en Haïti, il devient contributeur aux revues Intranqu’îllités et Bout du Monde.
Et ensuite, deux ans plus tard, plus rien…Ou presque.
Eliphen est présent timidement sur les réseaux mais absent dans l’univers littéraire haïtien. Nous avions donc contacté l’écrivain au sujet des raisons de son silence. Un silence qu’il dit être à la fois forcé et volontaire. Forcé à cause des difficultés diverses de la vie quotidienne et volontaire car selon lui, le silence a un rôle important pour la parole. Il n’a donc pas manqué de nous informer, de sa voix calme et rassuré que : « L’écrivain est un homme de silence. Il apparait que lorsqu’il est appelé. »
La vérité, dit-il, c’est qu’il fait actuellement une sorte de militantisme culturel. Il part en quête de talents un peu partout dans le pays en vue de désacraliser le métier de l’écrivain avec l’Association Indoc’Îles. « Notre époque littéraire a une particularité indéniable, remarque-t-il, c’est son désordre, on est à son propre école ». Mais cela ne l’empêche pas de vouloir regrouper quelques-uns de ces jongleurs de mots pour constituer une force. Le poète devient alors géographe. Il intitule ce projet : A la découverte des îles. Ces îles, selon lui, ne sont autres que chacun de ces individus talentueux disséminés quelque part sur le territoire. Et une fois que ces îles se seront regroupées en Archipel, ils formeront un atelier. Dans cette optique, il est guidé par la vision de créer une anthologie de la poésie insulaire. Il n’entend pas faire la promotion d’une île en termes d’espace mais de l’Individu en tant que soi. Eliphen Jean voit la population mondiale comme un grand Archipel.
Domicilié actuellement dans sa ville natale, au Cap-Haitien, il affirme reconnaître le rôle important d’une ville dans une carrière d’écrivain ; surtout une qui soit aussi difficile comme la sienne. Mais il ajoute que l’écrivain n’a pas de patrie. L’écrivain, ce voleur d’idées, de vies et de rêves, comme il l’appelle, écrit pour ceux qui ne savent pas écrire mais qui aimeraient le faire car ce sont nos misères, nos angoisses et nos peines qui nourrissent les livres.
Par ailleurs, lui, il en a volé un bon nombre durant ces deux dernières années. Il nous a révélé l’existence de cinq derniers manuscrits inédits qui ne tarderont pas à être publiés. Certains sont déjà entre les mains des éditeurs. On n’en sait pas encore grand-chose mais il nous décrit une poésie qui cherche une nouvelle voie. Une poésie qui refuse d’aller au rythme du monde. Une poésie qui vient du cœur. Il conclut donc que « La poésie est un chant qu’on a au fond de soi qui est chanté dès la naissance. Car l’imaginaire est en dehors du temps. »
Eliphen Jean est cet écrivain qui se nourrit dans l’ombre pour peaufiner le travail avant de le rendre au public. Son absence a certainement fait souffrir plus d’un. On espère que son retour tant attendu ne fera que grandir encore sa renommée et que la poésie continue de sourire !