Et Si Gaëlle Nous Contait?
PHOTO: Valerie Baeriswyl
« Comme si like, même si je te dis oui c’est non parce que je ne suis pas une fille facile »
Vous n’êtes pas up to date si vous n’avez pas encore regardé les séries « Coup de girl » sur les réseaux sociaux. Séries qui, en moins de deux minutes, vous libèrent de tout le stress que vous auriez pu emmagasiner durant une semaine entière. Comédienne, humoriste, artiviste, la jeune femme de 30 ans, née d’un père artiste et d’une mère technicienne de laboratoire a eu une enfance ordinaire. Avec un parcours professionnel particulier, elle a su sortir du moule de la société pour créer son propre univers. Univers dans lequel elle a décidé de n’accepter aucun mensonge comme vérité, univers dans lequel elle se sent bien. Elle fait des jours de sa vie une lutte qui je pense finira par avoir gain de cause. Je vous présente la grande Gaëlle Bien-aimé.
Dès son plus jeune âge, elle n’aimait pas l’école. Forcée d’y aller, elle se consolait par le fait de pouvoir s’amuser avec ses copines. Lecture et poésie étaient ses seules alliées dans ce monde où elle s’ennuyait si vite. C’est pourtant dans ce système qu’elle fit la connaissance de monsieur théâtre. Plus tard, après ses études classiques, il lui fallait faire des études et décida donc de s’inscrire à la Faculté de Linguistique Appliquée (FLA). Parallèlement, elle se rendit au Petit conservatoire dirigé par Daniel Marcelin -grand homme du théâtre Haïtien- et s’y mit à fond. Après le séisme qui frappa Haïti en 2010, un désir profond d’écrire ses propres textes se manifesta.
“Voye” it’s like electric choc, it’s amazing….
Dans un chez-nous où les parents ne font pas l’éducation des enfants mais plutôt celle de la fille et celle du garçon, Gaëlle avait en suspens plein d’interrogation. Pourquoi se sentait-elle si mal dans sa peau? Pourquoi toujours fallait-il que les hommes soient mis au-devant de la scène après un rapport sexuel? Pourquoi la femme ne pouvait-elle pas dire à son homme ses envies au sujet de la sexualité? Toutes ses questions la porta à travailler sur « Le genre et le nombre », pièce de théâtre qui eut le succès mérité, mettant en évidence les deux genres, homme et femme, et le nombre, aspect quantitatif de ces gens qui vivent chaque jour la galère des rapports.
« Si être féministe c’est dire que l’on existe vraiment en tant que personne, je l’assume. » nous expliqua l’artiviste. Violence et avortement sont des sujets qu’elle aime exploiter. Des sujets que nous n’osons discuter tout haut, Gaëlle Bien-aimé les dévoile. Mais ceci n’est pas sa seule lutte. « Nous luttons pour que l’on reconnaisse le travail des artistes comme un métier, que l’état ait un fond alloué aux artistes toutes catégories confondues, que ces derniers puissent bénéficier d’un espace afin de pouvoir travailler et s’améliorer. » En effet, les conditions ne sont pas toujours réunies pour que les artistes exercent leur talent. Et, c’est dans le souci de pallier à ce problème que la jeune comédienne prit l’initiative d’ouvrir une école de formation d’acteur afin de pouvoir les encadrer et les former et ainsi transmettre son savoir, car dit-elle, la culture a pour rôle de construire les citoyens. Que l’on n’accorde pas une grande importance à cela, et que l’on ne voit aucun intérêt à ce que le milieu artistique soit structuré constituent de grands défis
Aujourd’hui, bon nombre des fils et filles d’Haïti sont en transit. Il est important que les jeunes s’adonnent à la lecture. Et il est doublement important pour l’État Haïtien de créer des jeunes qui ont accès à la culture, qui peuvent, à partir d’une piécette, refléter leurs problèmes et toucher les concernés. La culture peut « aider à la réflexion, ouvrir les horizons et donner un sentiment d’appartenance. » Toutes ces peines sont à l’origine du plaidoyer constant que fait Gaëlle. C’est sa lutte car elle est convaincue que l’éducation et la culture peuvent nous ouvrir les yeux à tous.
- M renmen lè bagay la sèk
- Kijan poul sèk la? Son kasav?
PHOTO: Valerie Baeriswyl
Plus qu’une crevasse, c’est tout une falaise qui existe entre la manière dont elle et son frère ont été élevés. Tant de différences qui exaspéraient la militante et qui l’ont poussées à se rebeller. De plus, il y avait cette liberté à l’espace public qu’elle n’avait pas le droit d’explorer car bien sûr, « se tifi li ye ». D’observation en observation, de victime en victime, l’eau du vase finit par déborder. La fougue et la passion de Gaëlle en découlent.
Dans ses projets, elle compte refaire une dernière tournée de #JeSuisGaëlle en Haïti. Elle travaille actuellement sur un nouveau spectacle dans lequel elle met en scène des textes de Manno Charlemagne et compte se remettre à l’écriture.
Il n’est certes pas évident pour un jeune actuellement de percer dans le domaine du théâtre mais Gaëlle recommande de foncer. Toutes les conditions étaient réunies pour qu’elle s’en sorte sans trop d’embuche, cependant, il y a des contraintes qui parfois demandent un maximum d’efforts avant de pouvoir être contournées.
Avec un public à 70% féminin, Gaëlle Bien-aimé est comblée et « c’est l’une de mes plus grandes satisfactions que de voir les femmes venir en groupe à mes spectacles, c’est une preuve qu’elles aiment en dépit du fait que certains hommes méprisent mon travail» se réjouit-elle. La leçon à en tirer, c’est que tant que l’éducation ne se fait pas d’une manière différente pour apprendre aux hommes que la femme n’est pas leur propriété, il y aura toujours des femmes qui seront victimes de violences sans qu’elles ne puissent ouvrir la bouche. Il faut que cela se fasse… apresa ou domi nan gou Jésus.