Vertières Au Bout Des Doigts De Dany Laferrière – Haïti Et Ses Ecrits

Lors de son passage en Haïti en juin dernier, particulièrement au Cap-Haitien, l’Académicien Dany Laferrière s’adressait à la jeunesse capoise dans les locaux de l’Alliance française. Ils étaient plus d’une centaine entassée dans la petite cour, venues écouter ce messager venu d’ailleurs qui garde toujours le terroir quelque part au fond de sa poche.

« Je suis déjà venu au Cap-Haitien par le passé mais cela fait un moment que je n’étais pas venu. Normalement, il était impératif pour moi de me rendre une nouvelle fois à la Citadelle, comme pour une rencontre de Laferrière à Laferrière. A chaque fois c’est toujours comme si c’était la première ».

Ce fut sur ces simples mots que le célèbre académicien a pris la parole d’un ton calme et mi- amusé dans l’enceinte de l’Alliance française du Cap-Haïtien. Sa venue dans le Nord cette année porte une signification tout à fait particulière. En effet, un sujet qui a longtemps fait débat en Haïti et quelques rares fois en France est désormais clos. Il s’agit du mot Vertières – symbole de la fin de l’esclavage en Haïti contre l’ancienne métropole française – qui ne figurait dans aucun dictionnaire de la langue de Molière jusqu’alors. Dany Laferrière de par son statut récent d’Académicien a veillé à corriger cela. Toutefois, plus d’un pense que le peuple haïtien n’a pas à rechercher une reconnaissance de la part de l’ancien oppresseur. A cela, l’écrivain haïtiano-québécois répond avec une grande indifférence car pour lui, ce n’est qu’un mot qui était caché dans le souci d’étouffer l’histoire et qui ne l’est plus.

Dany Laferrière est habité par Vertières à tel point qu’il assimile ce dernier à tout ce qu’il y a de fort ou de courageux. C’est en partant de cette même idée qu’il a stipulé que « Les haïtiens placent l’idéal avant leur propre vie, le secondaire avant le primaire ». Ce mythe de l’haïtien héroïque est pour lui sa définition propre. On sent véritablement que l’écrivain se ballade avec sa portion d’île sous le bras, partout où il va, quand il déclare avec vigueur : « Si je n’étais pas haïtien, j’aurais payé pour l’être ». Ces mots lancés peut être dans un élan de romantisme pur n’ont pas manqué de faire sensation. Que voulez-vous ? C’est ce style saisissant, juste et simple qui fait aimer Dany. Les approches sont  donc devenues plus académiques par la suite.

Souvent reproché de n’écrire que sur lui-même, toujours à la première personne, le pronom « Je », Dany rectifie pour dire qu’il est impossible d’écrire le « Je ». Son « Je » dit-il, est « Collectif » car pour lui, « L’écrivain c’est quelqu’un qui écoute aux portes qui vole des vies afin que chaque lecteur puisse se lire et se rencontrer dans son œuvre ». Son but était de mettre des gens inconnus par le monde dans un livre et de donner chair à Petit-Goâve. De ce projet, il entendait casser le discours qui montrait toujours Haïti comme pays pauvre car il fallait diversifier et obliger les gens à changer de sujet.

L’auteur ne serait pas autant adulé par les publics de toutes les générations sans avoir eu du succès. Justement, Dany Laferrière en a parlé dans sa conclusion. Le succès pour lui, c’est « parvenir à faire une œuvre, être arrivé à 31 livres dans une société où on se satisfait de 3 à 5 livres, n’être entendu que sur la littérature ou tout simplement : être écrivain ».