« Haïti Investment Forum », Une Expérience Enrichissante
Le samedi 27 avril a tenu, en présence d’une centaine de jeunes assoiffés prêts à réussir en affaires et d’une brochette de personnalités triée sur le volet, la première édition de « Haïti Investment Forum » dont le thème retenu pour cette année est Investir en Haïti: Défis et Opportunités. Une réussite totale pour les organisateurs regroupés sous le label de « Edu-Business », organisation fondée le 20 avril 2018, selon Yves Mary St-Hubert, coordonnateur, étudiant en 3eme année en Administration à l’Université Notre Dame d’Haïti qui en a fait une brève présentation de l’organisation dont la mission est d’éduquer les personnes sur le business, armer les jeunes entrepreneurs car « nous avons remarqué pas mal d’entreprise échouer. Ils ont la volonté d’entreprendre mais leur mode de gestion reste inefficace », dit-il en guise d’ouverture du forum.
Annoncée sur les réseaux sociaux, le public, enthousiasmé par une telle activité, a effectivement répondu présent à l’invitation. La journée a été enrichissante pour tout un chacun. On a assisté à un premier panel animé par Eujudnie Philistin, diplômée en Science Politique et co-fondatrice de l’entreprise Kasav An Nou, de Gabrielle Aurel qui est Fondatrice et PDG de SAO (Sonje Ayiti), co-fondatrice Sapen S.A. qui encourage la production agricole et supporte les fermiers. A sa droite, l’entrepreneur Hérold Decius, Capois, ancien élève du CND (Collège Notre Dame), qui a quitté Haïti dans les années 90, a fait une maitrise en Administration, le premier à ouvrir une compagnie téléphonique au Cap avant de mettre sur pied Lakou Breda. On a été honoré également par la présence de Kenley Jean Baptiste, jeune leader qui a sorti ces mots phares au tout début de sa présentation : « il est on ne peut plus important d’avoir une vision et une équipe ». Ce dernier est diplômé en Science Politique, formé en Leadership avec Leaders of Change et PDG de Haïti Reyèl. En dernier lieu, Valery Tassy, fondateur de AGRIVI, entreprise d’agro-transformation, détenteur d’un Master en Marketing Innovation et professeur.
Investir, c’est quoi ? Première question adressée aux premiers panellistes.
Valery Tassy prône la création d’un véritable écosystème entrepreneurial favorable au développement, qui saurait créer d’autres activités économiques pour combattre le chômage. Il entend par écosystème l’implication des banques, les entrepreneurs ainsi que les consommateurs. Mais investir, c’est aussi innover tout en identifiant les opportunités pour pouvoir tirer des bénéfices. « Il faut identifier les besoins mais surtout ceux des clients », prévient-il. Pour M. Decius, sacré Digicel entrepreneur en 2014, investir revient à prendre une grande décision, pas seulement une pensée. « Là où il y a un problème, il existe une solution, et à chaque solution – une opportunité », dit-il. Mme Aurel renchérit pour dire que « investir, c’est se donner à une cause réelle qui puisse résoudre un problème, savoir identifier les besoins, et ensuite créer un bassin de compétences. Notez bien, quand on investit, l’ajustement est nécessaire ». Elle encourage un partenariat public-privé qui n’existe presque pas en Haïti. Par ailleurs, un entrepreneur a besoin de l’audace, ainsi qu’une politique de charme pour traduire l’art de convaincre et de persuader.
Que faut-il à un entrepreneur ?
M. Tassy répond ainsi : « Une équipe qui a la même vision, car l’avalanche des entreprises individuelles est un problème, qui pis est, n’ont pas une valeur ajoutée. Il responsabilise l’Etat par ailleurs qui ne met guère en place ce qu’on appelle « politique publique d’innovation » qui prend en compte l’aspect durable et la responsabilité sociétale de l’entreprise. M. Décimus de son côté invite les jeunes à se pencher sur les Ressources humaines nécessaires pour développer leurs idées d’entreprise. Il souligne la participation de l’Etat, le problème de financement et l’espace physique. Quatre éléments auxquels tout jeune entrepreneur devrait penser. Pour l’originaire de Port-de-paix, Kenley Jean Baptiste, il y a 4 qualités à cultiver chez tout entrepreneur qu’il résume en un mot : HAITI. Humilité, Amour –renmen sa w fè, fè sa w renmen– Intégrité, Transparence et avoir une bonne Intelligence émotionnelle. Par ailleurs, il faut se connaitre, vivre l’instant présent (rends toi heureux), contrôler ses dépenses (budget), avoir une bonne flexibilité, le réseautage et la planification qui sont on ne peut plus importants.
Après une légère pause, le public est revenu pour le second panel modéré par Junior Mesamours, fondateur et responsable de communication à Kasav An Nou. Mike Bellot, licencié en économie, détenteur d’une maitrise en Commerce Internationale, PDG de SoloBag, a été l’un des panélistes à avoir capté l’attention du public avec son humour contagieux et lors de sa première intervention sur le fait d’investir en Haïti a lâché sans ambages que c’est un acte de foi. Investir dans une start-up est un grand risque un peu partout dans le monde. Par contre, il y a ce qu’on appelle les « angel investors », des milliardaires qui décident d’investir une partie de leur capital dans certaines start-ups, ce qu’on n’a pas encore en Haïti. Prisca Etienne, 2eme intervenante à cette occasion, a étudié l’Administration des Affaires au Canada, et travaille pour le moment à la Banque Royale au Canada, déplore amèrement les turbulences politiques sporadiques qui ne font que nuire le secteur des affaires. Elle rêve voir des investissements dans les secteurs de l’infrastructure et l’éducation, mais doter le pays d’un système bancaire est une impérieuse nécessité. On n’a pas réellement un marché boursier en Haïti.
Steeve Anthony McIntosh, partenaire du Groupe Moural, entrepreneur connu dans le secteur de l’hôtellerie en Haïti affirme qu’investir en Haïti est un véritable casse-tête chinois, manque d’infrastructures de base, la stabilité facteur clé pour faciliter l’investissement est quasiment absente. Ce qui explique la levée du pays sur la carte touristique. En outre, le système fiscal en Haïti, avec tout son lot de problèmes, n’est nullement encourageant comparativement à la République Dominicaine qui a des options nettement plus avantageuses. Il prône de ce fait une meilleure collaboration entre les secteurs public et privé. Pour Robinson Pierre, Fiscaliste, Licencié en Science Comptable, le système fiscal haïtien est en train de s’améliorer assure-t-il, mais la population doit être informée sur le cadre légal, sur les avantages incitatifs qu’offre le système tout en ayant un projet viable.
Partir ou rester? Un autre défi pour les jeunes. M. Bellot les invite à aller acquérir des compétences et revenir dans le pays. Au-delà de tout, il faut trouver votre voie. R. Pierre encourage les jeunes à avoir une vision.
L’activité a pris fin sur un air amical, la remise des certificats aux différents panellistes, des prises de photos, le remerciement des partenaires et la gratification de quelques cadeaux au public. La deuxième édition est déjà tant attendue. Edu-Business doit continuer à éduquer pour surmonter les défis.