La Covid-19 : Une Ènième Opportunité De Renforcer Le Secteur Agricole Haïtien

En effet, la Covid-19 ne fait qu’augmenter les maux d’un peuple qui souffre et qui s’est fait tromper par de faux espoirs d’un régime bananier irresponsable. Selon les données de l’IHSI, la croissance du PIB Haïtien n’a pas dépassé le seuil de 2 % durant les 5 dernières années. Le secteur agricole qui créait de fortes valeurs ajoutées à l’économie nationale a baissé graduellement et est substitué au fil des années à des activités de rentes et de services. Les chiffres que fournissent CIRAD (2016) décrivent une contribution décroissante du secteur agricole passant de 30% à 22% de 1996 à 2015 dans le PIB. Le café, le cacao, le coton, qui constituaient des matières premières importantes permettant la rentrée de devise dans l’économie, ont connu une baisse considérable au fil du temps.

 Alors que la production agricole est en déclin, la gourde dépréciée, l’insécurité alimentaire qui sévit dans le pays, la grande partie de la population se trouve dans une situation d’extrême pauvreté.  Selon le conseil national de la sécurité alimentaire, l’insécurité alimentaire a touché plus de 4 millions d’Habitants (CNSA, 2019). Les travaux de Mikerly Joseph (2019) sur la sécurité alimentaire en Haïti ont montré qu’à mesure que la gourde se déprécie, l’insécurité alimentaire augmente, selon l’indice de Bonilla.  Il est évident que le secteur agricole souffre parmi tant d’autres. Les rapports, les études et les travaux de recherche ont tous montré que l’agriculture haïtienne est anéantie par un manque d’investissement, d’infrastructure et d’innovation. Le constat est clair. Nous devons repenser, planifier et faire une meilleure allocation des ressources financières dans le secteur agricole afin de soutenir notre économie et protéger la population contre l’insécurité alimentaire en ce temps de pandémie. 

Néanmoins, le but de cette analyse est de susciter un éveil de conscience nationale sur le fait qu’une situation de rareté alimentaire pouvant causer une aggravation de l’insécurité alimentaire est possible au cours et à la fin de cette pandémie. En ces temps difficiles, des émeutes de faim sont envisageables en Haïti alors que la gourde poursuit sa course de dépréciation. Le déficit de production agricole nationale et la diminution des transferts de la diaspora sont, entre autres, quelques éléments justificatifs.

 Par ailleurs, le manque d’approvisionnement de la part de nos deux plus grands fournisseurs alimentaires qui sont la République Dominicaine et les Etats-Unis pourrait créer la panique sur l’offre alimentaire et engendrer l’inflation. Malheureusement, les actions du gouvernement haïtien montrent qu’il n’a pas compris la dimension de cette menace alimentaire qui est suspendu sur notre tête. Il est étonnant de constater que le budget du Ministère de l’agriculture qui devrait augmenter ne fait que diminuer en passant d’une valeur approximative de 8.9 milliards de gourdes pour l’exercice 2017-2018 et rectifié en 2019, à environ 6.7 milliards de gourde pour l’exercice 2020 (MEF, budget de l’exercice 2019-2020).    

Cependant, tout n’est pas encore perdu. La triste situation anticipée que le texte décrit pourrait être renversée si les ressources sont gérées de manière efficiente. Une telle affirmation est basée sur l’existence des ressources agricoles qui sont, d’une part, inexploitées.  Avec environ 29% de la superficie du territoire disponible en terre arable, la sécurité alimentaire peut être prévenue si cette quantité est mise en valeur de manière efficace. Tout en mettant un focus sur des filières porteuses comme la mangue et les tubercules, la mise en disponibilité de semences, de fertilisants pour les planteurs durant la prochaine campagne agricole est capital pour une meilleure prévention de cette situation. 

Entre autres, l’état haïtien doit mettre sur pied une stratégie pour acheter une partie de la production des planteurs afin de mitiger les aléas du marché que confrontent les planteurs. D’autres mesures incitatives comme le financement des projets porteurs et des taxes à l’importation sur les produits dominicains sont des actions envisageables aux fins de stimuler l’investissement agricole. La caravane du changement a donné des résultats mitigés, mais il est clair aujourd’hui que l’État doit envisager des actions ponctuelles sur les périmètres irrigués pour que l’eau soit disponible pour les producteurs. Notre espérance quand nous écrivons ce texte est que le pays ne soit pas frappé par la sécheresse qui pourrait empirer la situation. Nous espérons aussi que le pays aura enfin un plan de développement agricol reflétant l’aspiration des planteurs juxtaposé à une bonne politique publique pour qu’enfin l’agriculture haïtienne puisse renaître de ses cendres.